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La machine qui appelle la pluie : les secrets de l’agroforesterie

On le sait depuis au moins Christophe Colomb : les forêts, sources de vie et d’oxygène, appellent aussi la pluie. Les raser, pousse à la désertification des espèces et du sol.

Comme solution régénérative, l’agroforesterie désigne les pratiques, nouvelles ou historiques, associant arbres, cultures et-ou animaux sur une même parcelle agricole, en bordure ou en plein champ.

Ces pratiques comprennent les systèmes agro-sylvicoles mais aussi sylvo-pastoraux, les pré-vergers (animaux pâturant sous des vergers de fruitiers)…

Les apports de l’arbre en milieu agricole sont nombreux :

Améliorer la production des parcelles en optimisant les ressources du milieu

Pré-verger de fruitiers paturés

L’expérimentation INRA sur un système blé-noyers à Restinclières (Hérault) a montré qu’une parcelle agroforestière de 100 ha pouvait produire autant de biomasse (bois et produits agricoles) qu’une parcelle de 136 ha où arbres et cultures auraient été séparés, soit un gain de 36%. Cette intensification de la production résulte d’une meilleure utilisation des ressources naturelles du milieu : la lumière, l’eau et les engrais sont prélevés plus efficacement grâce à un étagement des cultures, des systèmes racinaires de profondeurs variées, une occupation du sol permanente…

Association fruitiers/maraichage

Recherche de complémentarité : l’arbre remonte par exemple l’eau et les minéraux des couches profondes du sol pour les remettre à disposition des cultures de surface. La création d’un micro-climat sur la parcelle protège également les cultures et les animaux des stress thermiques et hydriques. L’arbre pourrait notamment permettre d’amortir les accidents climatiques, en partie responsables de la stagnation des rendements des céréales en Europe

Association arbres/lavandin

Diversifier la production des parcelles

Les arbres permettent de diversifier les services et sources de revenu sur l’exploitation : productions agricoles, bois d’œuvre, bois énergie, fruits, fourrage, litière, paillage…

Restaurer la fertilité du sol

Les arbres restituent de la matière organique via les feuilles qui tombent au sol et la décomposition des racines : 40 % de la biomasse d’un arbre retourne au sol chaque année. Les racines structurent aussi le sol, facilitant son activité biologique. Ces apports améliorent donc la fertilité du système.

Garantir la qualité et quantité de l’eau

Une étude (Agroof, INRA, contrat Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse) a mis en évidence la capacité de dépollution des arbres. Véritables filtres, ils limitent une partie de la lixiviation des nitrates, réduisant ainsi la pollution des nappes phréatiques. Cette fonction est particulièrement intéressante pour la gestion des zones de captage en eau potable. De plus, les systèmes racinaires des arbres augmentent la réserve utile en eau (exploitable par la plante) des sols, améliorent l’infiltration du ruissellement, limitent l’évaporation du sol…

Améliorer les niveaux de biodiversité et reconstituer une trame écologique

La diversité des espèces ligneuses et herbacées améliore la vie du sol où les champignons (mycorhizes) jouent un rôle majeur. Les infrastructures arborées fournissent habitats et nourriture pour un cortège floristique et faunistique important (auxiliaires de cultures – abeilles et autres pollinisateurs – , gibier, prédateurs des ravageurs…) Elles participent à la restauration des continuités écologiques à l’échelle des territoires.

Stocker du carbone pour lutter contre le changement climatique

99% de la matière solide de l’arbre provient du CO2 atmosphérique : les arbres sont donc d’excellents puits de carbone. Un frêne à maturité séquestre par exemple près de 3kg de C02 par an. Les arbres permettent non seulement d’atténuer les effets du changement climatique mais aussi de s’adapter, puisqu’ils recapitalisent les sols en carbone, source de fertilité.

Les enjeux

Par-delà la conduite d’une parcelle agricole, l’agroforesterie s’inscrit dans des projets de territoires (énergie, alimentation…) :

  • Gestion de l’eau à l’échelle des bassins versant
  • Augmentation des besoins en bois / Compétition foncière
  • Pérennité de l’apiculture (qualité et diversité des ressources)
  • Continuité et corridors écologiques
  • Loisirs et activités de pleine nature (chasse, pêche, randonnée, agri-tourisme…)

Le développement des techniques

Si les premiers projets de recherche en France consistaient surtout à réaliser des alignements d’arbres monospécifiques au milieu des cultures, l’agroforesterie telle qu’elle est reconnue et développée aujourd’hui intègre pleinement les haies et actualise les savoirs-faire paysans. Son efficacité repose sur une grande diversité d’essences, de techniques, de types d’aménagement ou de tailles des arbres pour concilier production de biomasse et protection de l’environnement.

Plantations pluri-spécifiques / valorisation de l’existant en bordures et plein champ / régénération naturelle / restauration d’arbres têtards, introduction de bandes de taillis linéaires

Complémentaires à la gestion de l’arbre, les techniques de conservation des sols (techniques culturales simplifiées, couverts végétaux, semis directs..) miment le fonctionnement des écosystèmes naturels (prairie, forêt) et recréent de l’humus dans les sols. Objectifs des agriculteurs : réduction des intrants, limitation de l’érosion, diversité des débouchés.

On trouve aujourd’hui des projets d’agroforestie qui mêlent la production de fruits avec des plantes médicinales, des légumes ou encore des céréales.

Pour en savoir plus

Cet article est largement inspiré de l’Association francaise de l’agroforesterie qui dispense des formations en France

Retrouvez le livre de Martin Crawford sur les jardins forêts : Creating a Forest Garden Working with Nature to Grow Edible Crops

L’agriculture syntropique d’Ernst Gotsch