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Entretien dans Konbini : récit d’un roadtrip en van au cœur des écovillages d’Europe

En quête de modes de vie alternatifs, Marc Domingos, 26 ans, s’est lancé dans un road trip à la découverte des écovillages du Vieux Continent. Récit de 10 mois sur les routes en quête de modèles inspirants, autosuffisants, humanistes et écologiques.

Une interview par Jeanne Pouget, publiée sur Konbini.

Passionné par l’environnement, digital nomade et freelance en communication, Marc Domingos a entamé début 2017 un tour de l’Europe afin d’aller à la rencontre de communautés vivant en autosuffisance, de façon durable et écologique et en harmonie avec la nature.

Des rencontres et des découvertes qui lui ont donné envie de créer Ecovillages Europe, un site d’information sur les écovillages en Europe, truffé d’articles, d’interviews et de bons conseils. Marc a ainsi parcouru 40 000 kilomètres, vécu et travaillé bénévolement dans 30 communautés au sein de 10 pays – et il ne compte pas s’arrêter là.

“Ces derniers siècles, l’homme a profondément modifié son environnement sans se rendre compte des conséquences. Aujourd’hui, nous savons et ne pouvons plus faire comme si on ne savait pas.”

Le site de Marc veut montrer que des modes de vie alternatifs et durables existent en Europe, ouvrant la voie à d’autres formes d’économies et de vivre-ensemble. À travers la permaculture, l’écoconstruction, le bien-être et l’environnement ou encore l’alimentation végétarienne et végétalienne, chaque communauté propose une autre façon de vivre, en connexion avec l’environnement.

On a discuté avec Marc de son voyage à la fois engagé et inspirant et qui ouvre la voie à un autre champ des possibles.

Konbini | Déjà, peux-tu expliquer à nos lecteurs ce qu’est un “écovillage” ?

Marc Domingos | Le terme “écovillage” est de plus en plus employé depuis les années 1990. Il fait référence aux communautés désirant sortir de la société de consommation, qui se forment pour vivre plus simplement, au plus près de la nature, et ainsi réduire leur impact sur l’environnement.

On trouve maintenant des écovillages sur tous les continents, qui sont formés par des communautés de dix personnes environ à plus de 600. Ce sont des mondes où l’on fait rimer écologie avec économie, culture et social.

Il n’y a pas encore de label précis pour les définir, et les écovillages sont parfois très différents. Ce qu’ils ont en commun, c’est l’aspiration à vivre en autosuffisance et en autonomie, consommant leur propre nourriture biologique (souvent par la permaculture) et construisant des habitats écologiques (par l’écoconstruction).

Écovillage Amoraleza, Espagne. (© Ecovillages Europe/Victor Bravo Lobo)

“Les différences cultivées dans les écovillages sont souvent une force car, grâce à la collaboration, les habitants vont plus loin que la ‘normalité’ qu’on tente d’imposer à la société.”

Dans les écovillages, on ne trouve que rarement des magasins pour dépenser de l’argent, ce qui permet aux habitants de se déconnecter complètement de la société de consommation pendant quelques semaines, des mois, voire des années.

La plupart de ces communautés sont végétariennes ou végétaliennes, excluant ainsi la maltraitance des animaux, un des fléaux de notre société. On y pratique souvent des activités de méditation ou de yoga, qui permettent d’être en parfaite harmonie avec notre corps et notre esprit, favorisant le bien-être. Des visiteurs passent d’ailleurs parfois juste pour se ressourcer.

Comment t’est venue l’idée de partir en road trip dans des écovillages à travers l’Europe ?

Après un voyage en Australie et au Brésil, j’ai découvert les écovillages et toutes les solutions qu’ils pouvaient apporter pour l’humanité et l’urgence climatique. Presque en secret car, malheureusement, ils sont encore trop méconnus !

En regardant de plus près, je me suis rendu compte qu’il y en avait partout dans le monde, et beaucoup en Europe, qui est ‘doublement’ mon continent car je suis français et portugais. Il m’est alors apparu évident de partir à leur découverte.

Écovillage Valle de Sensaciones, Espagne. (© Ecovillages Europe/Victor Bravo Lobo)

D’où vient ta sensibilité écologique ?

Je pense qu’on a tous une sensibilité écologique, plus ou moins développée en fonction du rapport à la nature que l’on a développé pendant l’enfance. De mon côté, mes parents m’ont toujours appris à m’émerveiller et à respecter la nature.

Puis cette passion s’est accrue quand j’ai commencé à travailler pour des ONG environnementales. À la fondation Tara Expeditions [Tara est le nom d’une goélette française dédiée à la recherche scientifique et à la défense de l’environnement, ndlr] ou pour l’Ocean & Climate Platform, une de mes missions était de faire une veille hebdomadaire de l’actualité environnementale, scientifique et climatique.

“Le monde est bien plus complexe et diversifié que ce que tente de nous montrer la télévision […]. Nous devons rester ouverts et curieux de modes de vie différents qui, parfois, semblent aller à l’encontre de nos propres repères.”

Cela a probablement contribué à éveiller en moi une prise de conscience des enjeux environnementaux actuels et de l’urgence climatique d’aujourd’hui. Les animaux, les plantes, les arbres, la mer, les sols… Ces derniers siècles, l’Homme a profondément modifié son environnement sans se rendre compte des conséquences.

Aujourd’hui, nous savons et ne pouvons plus faire comme si on ne savait pas. J’ai alors décidé d’agir à ma manière… Avec le site Ecovillages Europe notamment, pour sensibiliser les citoyens à d’autres modes de vie, plus durables.

Quel(s) mode(s) de vie souhaites-tu promouvoir à travers ce site ?

Ce qui me fascine le plus dans les écovillages, c’est la façon dont ils englobent toutes les dimensions essentielles de la vie humaine pour atteindre le bien-être : l’alimentation, le logement, la culture, les relations sociales… Le tout en se déconnectant un maximum du matériel. Ils prouvent que d’autres modes de vie sont possibles et de façon durable.

Écovillage Quinta das Relvas, Portugal. (© Ecovillages Europe/Victor Bravo Lobo)

En recherchant par exemple l’autonomie avec la nourriture végétale et les énergies renouvelables, les écovillages parviennent à diminuer souvent par deux leurs émissions de CO2. L’étude européenne TESS de 2016 affirme que : “Si seulement 5 % de l’Union européenne s’engageait en communautés dans des projets d’atténuation des changements climatiques, les économies de carbone seraient suffisantes pour réaliser 85 % des objectifs de réduction des émissions en 2020”, ce qui est considérable !

Y a-t-il un écovillage qui t’a particulièrement inspiré ?

C’est difficile de répondre à cette question car ils sont tous tellement différents qu’ils m’ont tous inspiré d’une certaine manière, soit par leur focus sur l’écologie, soit par leur côté humanitaire.

Mais les quatre qui m’ont probablement le plus bouleversé sont, pour commencer, Tamera au Portugal, avec le travail sur l’eau, la permaculture ou l’amour libre depuis 40 ans. Damanhur en Italie, aussi, avec sa recherche spirituelle probablement extraterrestre mais qui fait sens quand on s’y intéresse de plus près. Ou encore Valle de Sensaciones en Espagne, laboratoire du polyamour et enfin Eotopia en France, où l’on tente de vivre par l’économie du don plutôt que l’argent.

Écovillage de Tamera, Portugal. (© Ludwig Schramm)

Globalement, que retiens-tu de ton voyage ?

Je retiens que le monde est bien plus complexe et diversifié que ce que tente de nous montrer la télévision, et que nous devons rester ouverts et nous intéresser aux modes de vie différents, qui parfois semblent aller à l’encontre de nos propres repères. Ces alternatives sont partout : souvent sous nos yeux, mais invisibles pour ceux qui ne se penchent pas pour les voir.

Les différences cultivées dans les écovillages sont souvent une force car, grâce à la collaboration, ils vont plus loin que la “normalité” qu’on tente d’imposer à la société. Les habitants y apprennent à vivre ensemble plutôt que d’avoir peur de tout ce qui est différent d’eux…

Écovillage Amoraleza, Espagne/ (© Ecovillages Europe/Victor Bravo Lobo)

Les écovillages sont pour moi une lueur d’espoir dans ce monde en pleine transition de civilisation. La fin des énergies fossiles, l’arrivée des 10 milliards d’habitants sur la planète, nous obligent à repenser nos repères et la façon dont nous vivons sur la Terre aujourd’hui. Les écovillages expérimentent tout un tas de solutions qui nous aideront à nous adapter aux changements. Nous devons les mettre en lumière !

Quelles seront tes prochaines destinations pour les écovillages ?

J’hiberne actuellement dans des communautés au Portugal. Au printemps, je partirai explorer l’Europe plus à l’Est. Serbie, Hongrie, Grèce, Bulgarie, Estonie, notamment. J’ai entendu que là-bas, de nombreuses communautés prennent sous leurs ailes des réfugiés… Je veux voir comment cela se passe.

Pour aller plus loin, rendez-vous sur le site de Marc Domingos eco-villages.euEt retrouvez le travail photographique de Victor Bravo Lobo sur son portfolio www.victorbravo.photography.

Une interview par Jeanne Pouget, publiée sur Konbini.